dimanche 13 novembre 2011

Le Chardon et le Tartan

Pour la première critique littéraire, voici le premier tome de la série à succès (Outlander) de Diana Gabaldon. Best-seller dont les aficionados, souvent des femmes, vouent un véritable culte à l'un des personnages, le flamboyant Jamie Fraser. Sur une trame de romance historique, Gabaldon convoque avec une inégale justesse plusieurs fantasmes (le principal étant le personnage de Jamie). Atmosphère propice à l'évasion et aux rêves, tantôt réussie, tantôt franchement exagérée.

1945, fin de la seconde guerre, en Ecosse, la jeune et belle Claire, heureuse et fraichement mariée, profite de son voyage de noce. Propulsée au hasard d'un étrange cercle de pierres en 1743, Claire plonge dans une Ecosse sauvage et brutale, couvant une rébellion contre les anglais. Elle devra compter sur sa débrouillardise et sur le fougueux Jamie pour affronter la méfiance des autochtones à son sujet. Les charmes du jeune écossais attirant irrésistiblement Claire...

Le jeu de l'auteur est avant tout de construire un double fantasme, historique et amoureux. Elle y parvient inégalement, l'amour pour son personnage parasitant ses qualités d'auteur (du point de vue masculin).
  • Fantasme historique: Gabaldon met en scène le vieux rêve du retour dans le temps, impliquant l'inévitable rencontre avec l'ancêtre de ses proches, la conséquence des actions sur le futur et la confrontation des modes de vie. Dimension surréaliste qui dote le récit d'un intérêt que la romance n'aurait suffit à créer elle-seule (du point de vue masculin).
  • Fantasme amoureux: Avec Jamie et Claire, l'auteur invente un couple mythique de héros fantasmés, idéalement parfaits, totalement dévoués l'un à l'autre. Individuellement déjà géniaux, leur union anoblit encore leurs perfections. Claire est une belle infirmière, adorable et curieuse, aventurière et débrouillarde. Ses connaissances des plantes médicinales et son intérêt pour le sexe achèvent de brosser ce séduisant portrait. A l'opposé du charisme discret de Claire, celui de Jamie est écrasant et universel. On perçoit sans mal le désir de l'auteur pour son personnage. Dans sa quête enflammée de concevoir cette idole masculine, Gabaldon en fait des tonnes (du point de vue masculin). Je m’abstiendrais par pudeur de lister les innombrables qualités et talents de Jamie Fraser. Ses soi-disants défauts (n'étant en fait que des sous qualités) servent aux admiratrices rêveuses pour justifier la perfection du personnage. Mais la présence d'un oeil masculin est ici déplacé. Ce qui lui semblent être qu'une grosse tarte à la crème romantique est finalement un pari réussi, à en juger par la frénésie internet générée par Jamie. Le jeu le plus répandu étant de trouver un visage à Jamie parmi des acteurs. Il devient sous la plume concupiscente de Gabaldon une marionnette qui sert les envies de l'auteur.

Le style de Gabaldon est souvent simple et direct, la lecture est légère. On pourrait relever certains procédés stylistiques redondants (ironie répétitive de Claire). Son écriture manque parfois de subtilité quand elle aborde les deux rails de son récit, l'histoire et la romance.

L'auteur approche le genre historique avec souplesse. Elle dresse une toile de fond cohérente sans passer par de lourds encarts pédagogiques pour expliquer la situation. Au lecteur de s'interroger sur les causes de la présence anglaise et autres. On découvre en surface une Ecosse fière et rude, quelquefois un peu stéréotypé. Les jeux politiques parmi un clan sont bien menés. La rébellion jacobite, incontournable pour les contemporains se penchant sur cette époque, est subtilement évoquée. Les allusions sont peu nombreuses, intelligente touche de réalisme car la majorité des écossais n'était que partiellement concernée. Un bémol avec la déconcertante facilité d'adaptation de Claire à sa nouvelle vie. Même si Gabaldon eut la sagesse de déplacer Claire des rigueurs de la guerre aux rigueurs de l'ancienne Ecosse, on peine à imaginer cet autre monde. Mais ce n'est pas le propos principal.

L'enjeu du récit, c'est bien sur la romance entre Jamie et Claire. Plus qu'un rail, c'est une véritable locomotive narrative qui pèse souvent trop sur l'histoire. Toute l'intrigue est conçue pour rapprocher inexorablement les deux personnages. Certains tournants narratifs devenant vraiment exagérés (l'union forcée de Jamie et Claire). Ce couple modèle de l'amour-passion, soupoudré quotidiennement de sexe brulant, déborde de sensibilité. L'emphase domine leurs rapports et l'auteur s'y adonne avec plaisir. Au mieux amusant, au pire pesant.

Une lecture agréable mais qui fera fréquemment tiquer le lecteur mâle. La surenchère est évidemment différemment perçu selon les personnes. Indubitablement écrit par et pour le beau sexe. Saint Jamie, bandez pour nous!

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